21-12-2024 14:23:19
Dépêche-toi de peindre ou dépêche-toi de mourir
Je suis né dans un petit village de Picardie en 1955.
Au cours de mes années de lycée, je tente de distraire stylo-bille en main les quelques indispositions que je sens poindre : hypocondrie, claustrophobie, agoraphobie, divers vertiges. Et plutôt que d’être attentif à l’enseignement, je gribouille mes feuilles de copie de premières et innocentes intentions picturales, comme pour faire reculer l’ennui et les angoisses.
En mars 1976, je pose une valise dans le Comminges, au pied des Pyrénées, le temps d’une convalescence morale. Un mois plus tard, j’envoie par courrier ma démission au directeur de cabinet de Monsieur le Préfet de l’Oise, mon employeur d’alors, et je m’installe définitivement sous l’horizon montagneux. Dès lors, de petits boulots en divers stages qui m’assureront le quotidien, je me lance dans un apprentissage solitaire de la peinture, faisant mes premières armes à la gouache, à l’aquarelle, abordant tout juste l’huile. Comme un prêtre ouvrier puisant son inspiration divine dans le côtoiement et le soutien de ses semblables, je mène de front la poursuite de mon initiation artistique et ma confrontation à la réalité sociale.
Cependant les différents médiums abordés ne me satisfont guère. Je n’y trouve pas dans ces outils le prolongement naturel que je désire donner à ma main, à mon univers pictural. Une période matériellement difficile me contraint à reprendre le stylo-bille ; peu à peu la contrainte devient plaisir, d’abord dans la douleur puis dans la délectation, n’ayant de cesse de découvrir, d’apprendre, d’inventer, de mettre à ma main cette technique de la peinture au stylo-bille.
1980 : premières expositions. Le public adhère à mon univers pictural mais boude le médium. L’outil employé est instrument de potache, de fantaisiste… Même mes pairs me dénient le qualificatif de peintre. Respectueux de cette opinion, je n’en démordrais néanmoins pas : mes outils de travail ne seront ni des pinceaux, ni des tubes de couleurs, ni des toiles, mais de simples stylos à bille. Car pour s'exprimer pleinement, ma peinture a besoin d'une technique interdisant toute précipitation, obligeant à la prudence et à la réflexion. Le stylo à bille excluant tout repentir, chaque composition exige une absolue maîtrise de soi et proscrit l'improvisation. Comme pour ma vie, je souhaite faire de ma peinture, et à chaque seconde, un geste réfléchi.
C’est alors que me vient la conscience de ne pas peindre pour vivre, mais de vivre pour peindre. D'aucuns penseront sans doute à un exercice de style, à l’amusement de manier les mots… La réaction partagée du public m’a mis face à une évidence : l’incompatibilité d’humeur entre le public et ma technique, si elle devait perdurer, ne serait pas le couperet décidant du sort de ma peinture. Mon acte de peindre n'est ni un loisir, ni un passe-temps, encore moins une profession… mais un sens donné à la vie. Un acte débordant de sincérité, de conviction, d'honnêteté… Je désire que ma peinture sache se montrer capable de raison, au sens où elle est la cause ou le motif légitime d'une pensée, d'une humeur, d'une récréation… la recherche du sens de l’âme, l'intention de communiquer, le simple geste d'un plaisir personnel… Puisque pour le peintre que je suis, il serait inconcevable, sans aucun doute inconvenant, de proposer à la fois à moi-même et au public un travail bâclé, un premier jet, une chose sans ambition personnelle et artistique.
En 1983, avec l’intention de couper court à toute tentative de faux-fuyant dans ma création et garantir aux miens une tranquillité matérielle minimum, j’accepte un emploi de veilleur de nuit ; travail que je perds en septembre 2004. De tout ce temps, salarié les nuits, peintre le jour (et vice-versa), et de tableau en tableau, je tente de mettre en relation la réalité des choses avec l'imaginaire de l'homme (que je suis), le prosaïsme du quotidien avec la poésie de la pensée (ou l'inverse), tout empli de l’humaine prétention (ou la naïve illusion) que le jour viendra où ma peinture sera, et pour ce qu'elle est, la belle raison qu’il m’ait été donné de vivre.
Octobre 2004 : je prends la décision de me consacrer à part entière à ma peinture…
… L’histoire, petite ou grande, dira sur quels chemins cette résolution m’aura bringuebalé.
Au cours de mes années de lycée, je tente de distraire stylo-bille en main les quelques indispositions que je sens poindre : hypocondrie, claustrophobie, agoraphobie, divers vertiges. Et plutôt que d’être attentif à l’enseignement, je gribouille mes feuilles de copie de premières et innocentes intentions picturales, comme pour faire reculer l’ennui et les angoisses.
En mars 1976, je pose une valise dans le Comminges, au pied des Pyrénées, le temps d’une convalescence morale. Un mois plus tard, j’envoie par courrier ma démission au directeur de cabinet de Monsieur le Préfet de l’Oise, mon employeur d’alors, et je m’installe définitivement sous l’horizon montagneux. Dès lors, de petits boulots en divers stages qui m’assureront le quotidien, je me lance dans un apprentissage solitaire de la peinture, faisant mes premières armes à la gouache, à l’aquarelle, abordant tout juste l’huile. Comme un prêtre ouvrier puisant son inspiration divine dans le côtoiement et le soutien de ses semblables, je mène de front la poursuite de mon initiation artistique et ma confrontation à la réalité sociale.
Cependant les différents médiums abordés ne me satisfont guère. Je n’y trouve pas dans ces outils le prolongement naturel que je désire donner à ma main, à mon univers pictural. Une période matériellement difficile me contraint à reprendre le stylo-bille ; peu à peu la contrainte devient plaisir, d’abord dans la douleur puis dans la délectation, n’ayant de cesse de découvrir, d’apprendre, d’inventer, de mettre à ma main cette technique de la peinture au stylo-bille.
1980 : premières expositions. Le public adhère à mon univers pictural mais boude le médium. L’outil employé est instrument de potache, de fantaisiste… Même mes pairs me dénient le qualificatif de peintre. Respectueux de cette opinion, je n’en démordrais néanmoins pas : mes outils de travail ne seront ni des pinceaux, ni des tubes de couleurs, ni des toiles, mais de simples stylos à bille. Car pour s'exprimer pleinement, ma peinture a besoin d'une technique interdisant toute précipitation, obligeant à la prudence et à la réflexion. Le stylo à bille excluant tout repentir, chaque composition exige une absolue maîtrise de soi et proscrit l'improvisation. Comme pour ma vie, je souhaite faire de ma peinture, et à chaque seconde, un geste réfléchi.
C’est alors que me vient la conscience de ne pas peindre pour vivre, mais de vivre pour peindre. D'aucuns penseront sans doute à un exercice de style, à l’amusement de manier les mots… La réaction partagée du public m’a mis face à une évidence : l’incompatibilité d’humeur entre le public et ma technique, si elle devait perdurer, ne serait pas le couperet décidant du sort de ma peinture. Mon acte de peindre n'est ni un loisir, ni un passe-temps, encore moins une profession… mais un sens donné à la vie. Un acte débordant de sincérité, de conviction, d'honnêteté… Je désire que ma peinture sache se montrer capable de raison, au sens où elle est la cause ou le motif légitime d'une pensée, d'une humeur, d'une récréation… la recherche du sens de l’âme, l'intention de communiquer, le simple geste d'un plaisir personnel… Puisque pour le peintre que je suis, il serait inconcevable, sans aucun doute inconvenant, de proposer à la fois à moi-même et au public un travail bâclé, un premier jet, une chose sans ambition personnelle et artistique.
En 1983, avec l’intention de couper court à toute tentative de faux-fuyant dans ma création et garantir aux miens une tranquillité matérielle minimum, j’accepte un emploi de veilleur de nuit ; travail que je perds en septembre 2004. De tout ce temps, salarié les nuits, peintre le jour (et vice-versa), et de tableau en tableau, je tente de mettre en relation la réalité des choses avec l'imaginaire de l'homme (que je suis), le prosaïsme du quotidien avec la poésie de la pensée (ou l'inverse), tout empli de l’humaine prétention (ou la naïve illusion) que le jour viendra où ma peinture sera, et pour ce qu'elle est, la belle raison qu’il m’ait été donné de vivre.
Octobre 2004 : je prends la décision de me consacrer à part entière à ma peinture…
… L’histoire, petite ou grande, dira sur quels chemins cette résolution m’aura bringuebalé.